L’Hommage aux Tirailleurs sénégalais de la Première Guerre mondiale…
Obligeamment, l’Office du Tourisme ne m’avait fourni les horaires du bus que pour un aller sans retour… Bien vu ! En fait, le Cimetière du Trabuquet est situé juste au-dessus du Cimetière du Vieux Château de Menton (je l’imaginais beaucoup plus haut !).
Il est donc possible et même recommandé de faire ensemble les visites des cimetières du Trabuquet et de celui du Vieux Château : les carrés militaires du Trabuquet et le mémorial du Tirailleur Sénégalais en premier lieu (et on peut, à mon avis, se limiter à cela), puis la vue incroyable et les envolées lyriques admirables du Cimetière marin de Menton (ou Cimetière du Vieux Château), avant la descente à pied sur la vieille ville de Menton.
Le Mémorial du Tirailleur mentonnais…
La principale caractéristique – sinon le seul intérêt – du cimetière du Trabuquet est d’être l’un des cimetières militaires de la Première Guerre mondiale, nourri des corps des soldats blessés ou malades envoyés en convalescence dans le sud, et en particulier de ceux des fameux Tirailleurs sénégalais (ou malgaches !) venus en renfort depuis les colonies. Ces derniers y ont d’ailleurs longtemps été enfouis dans des fosses communes, jusqu’aux remaniements de 1930 et 1931 et à la création du Mémorial du Tirailleur de Menton, inauguré le 1er novembre 2012.
Ici, Mamadou, Moussa, Bakary et Konaté reposent à côté de Lucien, Honoré, Léon ou Jules (parfois même dos à dos, en camarades se soutenant dans l’épreuve…), les stèles des soldats chrétiens représentant une croix, celles des soldats musulmans un croissant de lune et une étoile à 5 branches.
La création du mémorial a été proposée en 2008 par Gaspard MBAYE, Président de l’Association pour la Mémoire du Tirailleur Sénégalais (AMTS), alors qu’il cherchait à identifier le premier Tirailleur sénégalais mort à Menton.
Désormais, les 1137 Tirailleurs sénégalais (mais aussi malgaches ou indochinois) morts pour la France à Menton au cours de la Première Guerre mondiale sont identifiés par leur nom et ont une sépulture individuelle dans l’un des 4 carrés militaires du cimetière du Trabuquet à Menton (Le Carré de la Marne, le Carré de Verdun, le Carré de Champagne et le Carré d’Orient).
Dans le Carré de Champagne, le Mémorial du Tirailleur de Menton a pris place :
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la statue grandeur nature du Tirailleur mentonnais
sculptée par l’artiste Joël VERGNE, en bronze d’aspect brut un peu bosselé pour rappeler les conditions terribles des combattants de la Première Guerre mondiale et la boue des tranchées…
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une fresque historique
retraçant l’histoire de ce corps de l’Armée coloniale créé par Napoléon III en 1857, qui s’engage dans les batailles de l’Yser et de Dixmude en Belgique dès 1914, subit les massacres d’Artois et de Champagne en 1915, tombe en masse à Verdun en 1916 et au Chemin des dames en 1917 et défend la ville de Reims en 1918. Par la suite, le corps des Tirailleurs sénégalais participera encore à la Seconde Guerre Mondiale, à la Guerre d’Indochine et à la Guerre d’Algérie.
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les plaques nominatives
listant fidèlement les noms des 1137 tirailleurs « morts pour la France » à Menton au cours de la Première Guerre mondiale. 1 année de recherches dans les archives de la municipalité de Menton a été nécessaire pour établir ces listes, les recouper avec les archives du Ministère de la Défense et les faire valider par le Bureau des Nécropoles.
Ensuite, il a fallu lever des fonds :
- l’Etat français a pris en charge la réalisation des plaques pour un montant de 35.000 €
- Le Souvenir Français, association active pour le souvenir des soldats morts pour la France à travers l’entretien des tombes et la création de monuments commémoratifs a investi 30.000 €
- la Ville de Menton : 20.000 €
- Le département et la Principauté de Monaco : 10.000 € chacun
- La région et l’AMTS : 5.000 € chacun.
A Jeannot & Jeannette, les amis du quartier…
Très loin du charme du petit cimetière du Vieux Château, la partie « civile » du cimetière du Trabuquet est plutôt sans relief, sans VIP (pour ceux que cela intéresse !), sans aucune statue ni réelle poésie, à part les tombes les plus anciennes…
On y retrouve, comme dans beaucoup de nos cimetières cette impression (désagréable) de « surenchère » qui met indifféremment côte à côte tombes anciennes et modernes, modestes et pompeuses, couvertes d’ornements, de bouquets de fleurs en plastique décolorées et d’inclusions en résine jaunies…
C’est aussi le seul cimetière (à ce jour !) où j’ai vu des nains de jardin,… et sur la tombe d’une tante apparemment très « regrettée », une bougie coulée dans une boîte de conserve « petits pois carottes » encore munie de son étiquette et un pot de cancoillotte reconverti en pot… de cactus !
Un bon point pour le Trabuquet, tout de même, l’abondance de photos des défunts (que j’aime décidément de plus en plus dans les cimetières !)…
Ici aussi (comme au cimetière vénitien de San Michele), on peut faire connaissance avec toute une descendance, visualiser diverses familles ayant vécu dans des siècles différents. Certains de ces oncles, pères ou ancêtres auraient même mérité de jouer dans des films !
Best-of de choses lues et vues…
Un petit air de Provence à la Pagnol dans ce :
« Jeannot et Monique, unis dans la vie, réunis pour l’éternité »
Ou dans cette jardinière signée « les amis du quartier »…
Sur la dalle mortuaire d’un autre Jeannot, les portraits des moustachus de la famille côtoient un ornement de bronze figurant un barbu (célèbre) portant couronne d’épines… Ca fait un peu farce !
Certaines tombes aussi, les années passant, se retrouvent envahies de plantes grasses, de cactus bizarres, poilus… ou complètement desséchés. Couleur locale.
Plus loin, une plaque funéraire en forme de maillot de foot à l’effigie de l’OM (il en faut !)
Certaines tombes encore, couvertes de fleurs multicolores en plastique, de libellules géantes, d’oiseaux, d’étoiles, de cœurs, d’une banderole « Je t’aime »… On se croirait à Disneyland ou Las Vegas !
A côté, les carrés militaires, bien alignés et très égalitaires, invitent d’autant plus au respect…
Oui, il y a peu de choses belles (ou même émouvantes) parmi les tombes civiles du cimetière du Trabuquet, et l’on préfère s’enfuir très vite, en gardant en souvenir l’image de ce tirailleur de bronze se détachant sur l’alignement sévère des croix blanches militaires, le regard au-delà des mers…
Connaissiez-vous l’origine et l’histoire de ces tirailleurs sénégalais morts à Menton ?
Avez-vous déjà visité un cimetière militaire ?
Bravo pour votre billet très instructif.
Merci Beaucoup, Raphaël ! J’ai beaucoup aimé découvrir ce lieu et faire quelques recherches pour en savoir plus. Merci d’être passé et d’avoir commenté.