L’Hérault en vedette…
Fin avril 2013, nous vous faisions découvrir l’excellente série britannique « Rosemary & Thyme ». On attendait donc beaucoup de son adaptation française « Crimes et botanique » annoncée début 2014, mais les premiers épisodes (1) diffusés sur France 3 sont une déception. Petit match France/GB pour voir là où ça pèche… Vous comptez les points ?
A ne pas confondre avec « Arnaques, Crimes & Botanique », le film de Guy Ritchie sorti en 1998, « Crimes & Botanique » est l’adaptation française de la série britannique « Rosemary & Thyme » de 2003.
Tournée en avril et mai 2014 dans la région de Montpellier, la série réalisée par Bruno GARCIA et Lorenzo GABRIELE (Italique et Bankizz Productions), initialement prévue pour une saison de 6 épisodes de 52 minutes, ne fait plus à l’arrivée que 4 épisodes, diffusés le 27 juin et le 4 juillet 2015 sur France 3.
Hélas, elle semble aussi avoir perdu, en traversant la Manche, la plupart des caractéristiques qui en faisaient tout le charme…
« Crimes & botanique » ou comment passer à côté de son public et de son sujet…
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Amateurs de jardins, passez votre chemin !
S’il y a un sujet dans « Rosemary & Thyme », c’est bien l’art des jardins, l’horticulture – mêlé à l’art du crime (ou de sa « détection », comme ils disent là-bas), dans la grande tradition des « murder mysteries » anglais, façon Miss Marple…
Les scénaristes français se sont-ils contentés de lire le pitch de la série ? N’ont-ils pas regardé en détail les 3 saisons du petit chef-d’œuvre britannique, pourtant doublé en français dans les DVD ? Sont-ils restés insensibles à la finesse des intrigues policières et à leur imbrication dans la thématique du jardin ?
De fait, les amateurs de nature et de jardin en seront pour leurs frais avec l’adaptation française, car on n’y apprend rien sur le sujet. En dehors de quelques « beauty shots » sur fond de la musique de la série, qui forment un « pont musical » au milieu de chaque épisode (Si ! Si ! Comme dans « Les Experts », « Crimes & botanique » a son « musical bridge » !), c’est à peine si l’on aperçoit les esquisses des projets de jardins proposés par les deux paysagistes au début de chaque épisode. Les amateurs pourront suivre sur son site le travail du peintre et dessinateur montpelliérain Philippe PECH, des premiers croquis aux aquarelles finalisées pour les deux premiers épisodes (Merci à lui de m’avoir autorisée à reproduire ici l’un de ses dessins).
Quand la série anglaise avait su s’entourer de consultants de haut vol (Pippa GREENWOOD pour la partie horticulture et l’auteur de polar anglais Peter LOVESEY pour l’intrigue policière), c’est le réalisateur de « Sous le Soleil », « Avocats & Associés », « Boulevard du Palais » et les comédiens de « Sauveur Giordano », « Clem » ou « Joséphine Ange gardien » qu’on retrouve dans la VF.
Plutôt que de nous intéresser au concours des Villes et Villages fleuris et aux étapes de son organisation pour une commune, par exemple (1×1-Fleurs de Sang), on préfère passer du temps sur la remise des prix animée par l’ineffable Bernard (François-Eric GENDRON) ; dans 1×2-le Jardin des Papillons noirs, on compte les clous et on liste le matériel de menuiserie plutôt que de présenter le projet proposé par les 2 héroïnes pour rénover le parc d’une école privée, et ni le directeur de l’Institut, ni le prêtre (joué par Philippe CAROIT), n’assistent au lâcher de papillons.
Ici, pas de leçon sur le « Langage des Fleurs » comme dans « Rosemary & Thyme » (1×3), on se contente d’écorcher quelques mots de latin (la composition détaillée à l’arrière d’un sachet de graines !) et on confie aux sonneries de téléphone « chèvre » de Laure et « coq » de Marjolaine (!) le soin de nous convaincre de leur amour de la terre et de leur professionnalisme.
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Tous les défauts d’une série française : la « femme d’honneur » est dans le jardin
Non, « Crimes & botanique » nous plonge dans la vie de village, les rivalités entre société de chasse et autres associations pour obtenir les subventions de la mairie et, pour le reste, se perd dans l’habituelle évocation des sujets d’actualité dits « sensibles » que les scénaristes hexagonaux s’obstinent à confondre avec des mobiles de crime.
Et si l’un ne suffit pas, il suffit d’en ajouter d’autres ! Dans 1×2, le jeune Cédric est ainsi non seulement un enfant né sous X, mais le fils d’un prêtre et un surdoué au Q.I. de 150 (« Comme tous les enfants surdoués, il a un problème de comportement », rabâche doctement le directeur). Une nouvelle affaire de pédophilie écartée (ce ne serait pas la première !), on pense à du racket entre deux ados, du harcèlement. Pour finir, Cédric meurt, étranglé par son demi-frère ! P….. de scénar, si vous voulez mon avis !!! On touche à la tragédie grecque !
Dans 1×1 – quelle audace ! – le maire de Charmigny (joué par Michel JONASZ) est un homosexuel : « Il était gai comme un pinson, notre maire ! », commente malicieusement le responsable du ball-trap. « Tout le monde le savait et tout le monde s’en foutait. On n’est pas des arriérés » (ouaouh ! Si ce n’est pas une révolution de voir ça en prime time à la télévision française !)
L’ouverture d’esprit s’arrête là, du moins chez le scénariste, puisque après tout, c’est sans doute parce qu’il est « gay » que le maire veut obtenir pour sa commune le label des Villes et villages fleuris, plutôt que de subventionner le ball-trap et la société de chasse ! Autant pour les stéréotypes ! De toute façon, le scandale ne dure pas longtemps puisque ce cher Edouard, maire de Charmigny, meurt assassiné à la 9ème minute de l’épisode (!).
Non, le vrai mobile n’était pas là, mais dans une erreur médicale (ah oui, un grand sujet, ça aussi !) qui a coûté la vie au frère d’une femme médecin (coïncidence !), qui n’hésitera pas à se venger en abattant le maire d’un coup de fusil (si ! si ! on est comme ça en France, sanguins, chasseurs dans l’âme, etc… etc….)
En plus d’être hyper compliquées (on n’a pas dit complexes), les intrigues sont mises en images de manière très littérale, comme dans l’histoire des graines transportées sous la semelle de bottes (1×1), comme les acrostiches trouvés dans le téléphone de Cédric pour mettre les enquêtrices sur la voie du coupable (1×2)… Comme si le public de la série était forcément idiot…
Bref, au lieu des scénarios subtils et des histoires hautes en couleur proposés par Brian EASTMAN dans « Rosemary & Thyme », on se retrouve une fois de plus – n’eussent été les magnifiques paysages héraultais – à regarder un épisode de ce qui n’est finalement pas très loin d’ « Une Femme d’Honneur », gendarmes compris.
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Casting : comme si on n’avait que cinq acteurs en France
Pas de scène d’exposition comme dans « Rosemary & Thyme » pour nous expliquer comment nos deux héroïnes, de gendarme et enseignante à la fac, en sont venues à s’associer comme paysagistes.
Si lorsqu’elles sont en déplacement, les deux Françaises partagent régulièrement leur chambre, le couple français manque de la belle complicité qui unissait les deux Anglaises malmenées par la vie au tournant de la cinquantaine et passablement remontées contre les hommes, une source de dialogues savoureux.
Dans l’adaptation française, Laure Chatelain, la belle universitaire rousse interprétée par Carole RICHERT, a facilement dix ans de moins que son alter ego et, prestige universitaire oblige ?, rabroue régulièrement son associée en levant les yeux au ciel :
- « Marjo, je te rappelle que tu n’es plus dans la police ! » (1×1)
- « Il suffit qu’un uniforme te fasse les yeux doux pour que tu reprennes du service. Non mais tu fais pitié ! » (1×2)
Exit donc la touchante aventure humaine (et entrepreneuriale) de la série originale, qu’on aurait pu utilement transposer chez nous, à condition d’élargir un peu le casting déjà vu et revu (dont mon grand ami François-Eric GENDRON !).
Dans le rôle de l’ex-gendarme Marjolaine Blanquefort, Annie GREGORIO s’en tire plutôt bien, avec son énergie, sa bonhomie naturelle et son accent chantant du sud-ouest.
L’Hérault à l’honneur
Tout n’est pas négatif et si les amateurs de séries télé policières sont un peu déçus, il faut gager que la diffusion de « Crimes et botanique » en prime-time sur France 3 (3,3 millions de téléspectateurs et 19,1% de part de marché pour les 2 premiers épisodes le 27/06/2015) amènera dans l’Hérault beaucoup de nouveaux visiteurs, tombés amoureux, via le petit écran, des magnifiques paysages qui forment le décor de la série.
Tournée en avril et mai 2014 dans l’arrière-pays et les villages autour de Montpellier, la série a reçu l’aide à la production de la Région Languedoc-Roussillon, l’aide logistique de Languedoc-Roussillon Cinéma (pour la recherche des décors, le recrutement des techniciens, comédiens et figurants locaux) et de la Ville de Montpellier qui accueillait les bureaux de la production.
Le tournage aurait généré 1,7 million d’euros de retombées économiques locales, en particulier pour l’emploi (voir l’article du Midi Libre en date du 17/02/2014).
Les lieux de tournage incluent : Valflaunès, Saint-Jean-de-Cucule, Cournontéral, Saint-Martin-de-Londres, St-Gély-du-Fesc, Saint Bauzille, Mireval, Mèze, Baillargues, Montferrier-sur-lez, Clapiers). L’épisode 1×2-Le jardin des papillons noirs a été tourné, quant à lui, au Château de Castries.
Les nouvelles héroïnes de l’Hérault n’auront fait qu’un petit tour et puis s’en vont… Manque d’ambition. Dommage !
Pour les puristes, il reste les DVD des 3 saisons de la série originale « Rosemary & Thyme », en V.O. et en V.F. ! Que du bonheur !
(1) NB : Cet article a été écrit à partir des 2 premiers épisodes de « Crimes et Botanique » : 1/ Fleurs de sang ; 2/ Le jardin des papillons noirs.
En Savoir plus :
- Lire l’interview de la paysagiste Christine Albaret, expliquant son rôle sur le tournage de « Crimes et botanique » (Magazine « Détente Jardin », article de Dorothée Bécart, le 15/06/2015)
Oui, vraiment dommage ! « Rosemary & Thyme » valait beaucoup mieux… Crime et jardins, les Anglais savent faire !!!
Oh ! l’autre jour, j’ai zappé quelques secondes sur cette série mais je ne me suis pas attardée. Dommage qu’elle ne soit pas top, j’aurais bien aimé une bonne adaptation.