Une rétrospective américaine…
Sorti en 2009, le livre de Marjolaine BOUTET « Les Séries télé pour les Nuls » (Ed. First) est le plus récent des livres en français consacrés aux séries. On y trouvera donc mentionnées des séries telles que The Closer, Bones, Mentalist, et même « Castle » ou « Dexter ».
Censé nous apprendre tout ce qu’il faut savoir sur les séries télé, le livre se compose de 6 parties différentes :
- Histoire de la TV américaine + la fabrication des séries, avec une comparaison France et UK
- Séries par genres : Soaps et feuilletons
- Sitcoms/comédies sous classés par genres (familiales, amicales, professionnelles…)
- Séries dramatiques :
- Policières/judiciaires
- Médicales
- Historiques
- Fantastiques et SF
- La « partie des 10 », soit les 10 auteurs de séries à connaître, les 10 acteurs, les 10 intégrales dvd, les 10 séries à suivre
- Annexes : glossaire (vu et revu), bibliographie.
En plus des célèbres icônes de cette collection signalant dans la marge les références, « fun facts » et autres « à retenir », qui permettent de se repérer d’un coup d’œil, on trouve aussi dans ce volume l’icône « En France », signalant les rares références aux séries françaises et à leur histoire.
Sur les séries policières et judiciaires…
Rappelons-le, le livre de Marjolaine Boutet est généraliste, c’est-à-dire qu’il s’intéresse à tous les genres de séries. Comme nous le sommes beaucoup moins, et à son invite, nous choisissons de « le picorer » (p.6) et en commençons la lecture, par le chapitre 14 (dans la 4ème partie), consacré aux séries policières et judiciaires…
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Américaines :
Ici on passe en revue les séries américaines les plus connues, des 2 séries originelles « Dragnet » en 1952 et « les Incorruptibles » (1959) à « Castle » (2009), en passant par le « Hill Street Blues » de Steven Bochco (1981), premier « ensemble show », sombre et réaliste, qui contribuera à renouveler le genre.
Comme souvent, malheureusement, l’analyse ne dépasse guère la chronologie et les classifications sommaires, plus proches du commentaire que de l’analyse de fond (ex : « plus sombres », « entre série policière et documentaire », « série d’auteur », « la science à la rescousse »), et surtout, – un grand classique des livres sur les séries ! – la reprise du « pitch » de chacune des séries citées, résumant l’essentiel à savoir sur le sujet, les personnages et l’angle de la série.
Ce genre de compilation ne s’adresse évidemment pas aux amateurs de ces séries, qu’ils soient connaisseurs ou spectateurs occasionnels cherchant à en savoir plus sur leur dernière découverte…
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Et françaises :
Côté français, on cite Maigret, Navarro et Julie Lescaut, – presque pour mémoire -, comme incarnant les figures paternelles ou maternelles rassurantes du flic justicier (p.199), et aussi le Commissaire Moulin, la Crim’, Police District, Central Nuit, PJ, Flics, Braquo (sur Canal+) ou plus récemment « les Oubliées » (2008), comme présentant une approche plus réaliste du métier de policier (pp.204-205). On ne s’y attarde en tous cas pas.
Pour les séries judiciaires, « Avocats et Associés », qui a sévi à l’antenne pendant 10 ans, est reconnue comme peu réaliste, – création de scénaristes « qui n’ont aucune expérience des métiers qu’ils décrivent », commente M. Boutet (p.220) -, et moins impliquée dans les questions de droit, les sujets de société, l’éthique ou la justice que dans la vie privée des personnages, la vie de bureau ou les rivalités entre avocats, à l’inverse des séries judiciaires américaines, très pédagogiques (p. 219).
Portraits choisis…
Intéressants en revanche –bien que bizarrement répartis entre les chapitres 14 (partie 4) et 18 (partie 5), les encadrés et portraits retraçant la carrière de quelques grands créateurs de série, parmi lesquels :
- Stephen J. Cannell, « maître du crime à l’écran » avec plus de 40 séries pour la plupart policières : 200 dollars plus les frais, Rick Hunter, 21 Jump Street, Un flic dans la mafia ou les Dessous de Palm Beach (p.198)
- Steven Bochco, alternant toujours séries policières et judiciaires : Hill Street Blues, La loi de Los Angeles, Cop Rock, NYPD Blue, Murder One et récemment Raising the Bar (p.200)
- David E. Kelley, avocat de formation et spécialiste des séries judiciaires comme Ally McBeal, The Practice ou Boston Justice (p.216)
- David Chase : les Soprano (p.297)
- David Simon : The Wire/Sur Ecoute (p.298)
- et JJ. Abrams : Alias (p.302).
Sur la fabrication des séries…
Plus intéressante est la première partie du livre qui, à défaut de révélations, a le mérite de brosser un tableau très complet du paysage audiovisuel américain, des rapports étroits entre publicité et création, et du calendrier très serré des séries, de la fabrication à la programmation et à la diffusion.
J’ai retenu en particulier les chiffres impressionnants qui régissent la sélection des séries par les chaînes, du pitch à la diffusion en prime-time : une chaîne de TV reçoit des milliers de pitchs par an. Une centaine de ces pitchs est sélectionnée et développée en synopsis (rémunérés). Une « grosse vingtaine » seulement deviendra un scénario de pilote ; une dizaine sera effectivement tournée et une demi-douzaine au mieux deviendra une série ; enfin, 1 ou 2 à peine iront jusqu’à la 2ème saison (pp.24-25).
Séries, quel univers impitoyable !
Saviez-vous que sur les 8 à 20 scénaristes intervenant sur une série aux Etats-Unis, certains sont uniquement chargés de veiller au bon calibrage de l’intrigue pour accueillir les coupures pub ?
En France, comme le souligne Marjolaine BOUTET, « ce changement profond de manière de travailler et d’envisager l’écriture comme un « travail » et une « technique », ainsi que comme une production collective et non une œuvre purement personnelle, fait encore grincer beaucoup de dents… » (p.29)
On regrettera, de notre côté, la bibliographie, très sommaire, qui remplit mal son rôle d’outil de référence et cache sûrement plus qu’elle ne propose…
En Savoir plus :
- Acheter le livre : « Les Séries télé pour les Nuls » de Marjolaine BOUTET (Ed. First, 2009)