Vous avez besoin d’un polar de 400 pages qui vous tienne une semaine de vacances, voyage de 4 heures en avion aller et retour compris ? Ça ne devrait pas être une raison de lire Hold Tight (Titre français : Sans un Mot) de Harlan COBEN, même en VO !
Depuis le temps que j’entends parler de Harlan COBEN, on peut vraiment dire qu’on ne s’est toujours pas rencontrés, lui et moi ! Ni le traitement de l’intrigue, ni les personnages n’ont su m’accrocher ou m’intéresser, et pourtant l’auteur à succès travaille ! Multiples histoires parallèles qui se rejoignent inexorablement dans un final haletant – c’est du moins l’intention -, ce thriller de 2008 aurait pu se limiter à un seul chapitre. On se console en se disant qu’il en existe 17 avant et pratiquement autant depuis ! Peut-être une autre fois ?
Hold Tight de Harlan COBEN : la technique de la pêche à l’épervier
Et pourtant ça commençait pas mal ! L’enlèvement dans un bar, puis l’assassinat brutal d’une femme, au nom d’une inconnue appelée Cassandra, interpelle. Qui est-elle ? Et que lui veut ce couple de tueurs d’abord nommés Moustache et Straw Hair, puis Nash et Pietra ?
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Découpage cinématographique
Pourtant, avant de savoir la suite, Harlan COBEN exigera que vous fassiez connaissance de toutes les familles du quartier :
- > les Baye, inquiets pour leur fils Adam,
- > et leur bon pote Mo,
- > leurs voisins les Loriman
- > et aussi les Hill, dont le jeune fils s’est récemment suicidé,
- > les Novak, les Lewiston et les Crimstein…
Dans Hold Tight, vous participerez également à l’enquête de l’inspecteur Loren Muse sur le meurtre de notre Jane Doe, puis la disparition de Reba Cordova.
Harlan COBEN passe sans cesse d’un personnage à l’autre, décrivant leurs allées et venues, exposant leurs réflexions, leurs émotions, sans les rendre plus intéressants pour autant ni faire progresser l’action.
Parfait si vous avez du mal à lire un chapitre d’un seul trait ! Chaque section de Hold Tight se compose généralement de 2 scènes accolées ! Pour l’amateur d’enquête policière, pourtant, ça ressemble à du remplissage. Une tentative pour complexifier artificiellement l’intrigue, déjà passablement embrouillée. Certes, un page-turner se doit d’avoir beaucoup de pages à tourner ! Drôle de thriller, pourtant, celui qui vous éloigne de l’action en mobilisant votre attention sur tout autre chose.
Hold Tight bénéficie d’un découpage quasi cinématographique. Prêt à tourner, il est livré avec toutes les indications de jeu et les dialogues qui vont bien. Ainsi cette réplique décomplexée de Mo approuvant Tia Baye lorsqu’elle envisage d’équiper l’ordinateur de son fils adolescent d’un logiciel espion :
« Every parent decides how much independence they give a kid. You’re in control. You should know it all. This isn’t a republic. It’s a family. » (36) / Tout parent décide du degré d’indépendance qu’il accorde à son enfant. C’est vous qui avez le contrôle. Tu devrais être au courant de tout. Ce n’est pas une république. C’est une famille.
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Le filet se resserre…
Dans Hold Tight, Harlan COBEN a lancé très loin son filet bordé de petits plombs (ses multiples personnages sans lien apparent entre eux). Il va ensuite le ramener, révélant les liens qui unissent certains personnages, dessinant des motivations, tout en maintenant des zones de flou essentielles au suspense. Petits et gros poissons sont ramenés à la surface, ils seront triés par la suite : les méchants meurent ou sont envoyés en prison, tandis que les gosses de riches et leurs parents reprennent leur petite vie tranquille…
Émaillé de fines observations de la vie quotidienne :
« A kid’s room was about his computer. » / La chambre d’un ado est centrée autour de son ordinateur. (264)
et de jugements plus ou moins gratuits, comme la diatribe contre les Desperate Housewives de cette banlieue chic :
« […] And they all had this brain-gone smile, like some alien had sucked their head dry. » 244 (!!!),
Hold Tight se lit très facilement et je comprends pourquoi on peut aimer le style d’écriture de Harlan COBEN. Tous les “petits riens”, le “small talk” ou ce qu’on pourrait appeler l’habillage du polar est parfaitement écrit et intéressant. On sent l’auteur curieux de tout, très observateur et prenant sans arrêt des notes dans la vraie vie pour un prochain roman… Si vous fréquentez Harlan COBEN, vous vous retrouverez forcément dans ses livres, à un moment ou à un autre…
Pour mon compte, il y a un problème de rythme. Tout ça pour ça ?
Un thriller tellement américain !
J’aurais pu le dire autrement : Harlan COBEN ratisse large… et s’aventure à peine hors de son pré carré. Ainsi place-t-il l’action de Hold Tight dans une banlieue cossue du New Jersey au milieu de familles parfaites de la middle class. Il met en scène des ados et des parents surprotecteurs, auxquels la plupart de ses lecteurs s’identifieront forcément…
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Thèmes en cascade
Les thèmes abordés dans Hold Tight sont nombreux :
- > flicage des gamins par leurs parents
- > dangers des nouvelles technologies
- > harcèlement scolaire
- > suicide d’ados
- > usure du couple
- > abus de médicaments, d’armes à feu
- > et j’en passe !
On imagine la petite main présentant à l’écrivain de renom une liste des thèmes à aborder dans son prochain roman. Et l’auteur, pressé et inattentif, les utilisant tous sans distinction… Harlan COBEN fait bien de préciser celui qu’il retient sur la couverture de la version US :
« Every family has its secrets… » / Chaque famille a ses secrets…
Le travail des critiques de Hold Tight (Sans un Mot) s’en trouve largement facilité !
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Et tellement de clichés !
Non seulement l’histoire manque absolument de vraisemblance (c’est pourtant important dans le polar…), mais les personnages sont stéréotypés : chirurgien transplanteur, avocate-star, voisin beauf, mère au foyer meurtrie, vieux flic macho et paresseux, etc. etc.
Jusqu’au serial killer très approximatif décrit par Harlan COBEN comme supérieurement intelligent (239), malgré ses raisonnements simplistes (5, 407). Faisant preuve d’une grande connaissance du sujet, l’auteur qualifiera son tueur de « sick », « crazy » ou « crazed ». On est bien avancés !
Quant aux méchants Blacks qui menacent les gentils petits blancs, ils sont confinés dans « le Bronx » et sont forcément liés à la mafia…
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Hold Tight ou le happy end obligatoire
Enfin, il y a cette obsession du happy end. C’est ce qui s’appelle ménager son audience !
« There were tears, of course. Hugs. Apologies. […] No one wanted to prosecute the Bayes. Adam would cooperate and help send Rosemary and Carson to prison. » (419)
Les garcons vont ensemble à un match et les dernières lignes de Hold Tight sont pour décrire le remariage du procureur (veuf) de l’affaire.
Le thriller pur n’est déjà pas mon truc, mais tous ces clichés et cette bien-pensance !
Avez-vous lu Harlan COBEN ? Êtes-vous fan ? Par pitié, indiquez-moi le roman que vous avez préféré ! Je le lirai peut-être…
En Savoir plus :
- > Acheter et lire Hold Tight de Harlan COBEN en V.O. (Éd. Orion Books, 2009)
- > Commander la traduction française Sans un Mot de Harlan COBEN (Éd. Pocket, 2011)