“Dead Beat” de Val McDERMID…

Rock’n’Rolex…

Publié en 1992, « Dead Beat » est le premier de la série des Kate Brannigan et le 4ème roman policier publié par la très prolifique auteure écossaise Val McDERMID.

Acheté à Dublin cet hiver, je l’ai donc lu en anglais, mais il a été traduit en français sous le titre « Le Dernier Soupir ».

2 enquêtes pour un meurtre…

Comme une introduction à l’enquête pour meurtre qui va suivre, la première partie du roman nous présente Kate Brannigan, détective privée chez Mortensen & Brannigan, enquêtant avec patience et obstination sur un trafic de contrefaçons dans la région de Manchester pour le compte d’un groupement d’horlogers de prestige (11).

Elle même est une geek, fan de jeux vidéo, et le fond de commerce de leur agence est plutôt la criminalité en col blanc (fraude électronique et systèmes de sécurité) (13).

Pourtant, à l’issue d’un concert où elle l’accompagne, son petit ami Richard qui est critique de rock (souvenez-vous que Manchester est la capitale mondiale du rock !) lui présente l’artiste Jett qui, la prenant à part, la charge d’une mission : retrouver sa partenaire sur les premiers albums, la chanteuse et parolière de talent Moira Pollock (38).

“A hard woman”, “never off duty”/Une femme solide, toujours sur le pont (21) – c’est ainsi que la décrit son petit ami -, Kate Brannigan ne tarde pas à réunir les deux artistes et retourne à ses affaires. Le roman reprend 6 semaines plus tard, lorsqu’un coup de fil affolé de Jett à 1h30 du matin l’appelle à Colcutt Manor sur ce qui est devenu une scène de crime : dans le studio de répétition, Moira git dans une mare de sang (89).

Jouant à cache-cache avec la police et l’inspecteur Cliff Jackson qui voit sa présence plutôt d’un mauvais œil, Kate Brannigan va faire sa propre enquête et interroger l’un après l’autre chacun des protagonistes en posant systématiquement les mêmes deux questions :

  • Qui la personne interrogée suspecte-t-elle du meurtre ? (135)
  • A quel moment ont-ils appris la manière dont Moira a été tuée ?

Sur les traces d’Agatha Christie…

Si au début du livre, l’emploi de la première personne presque en voix off pour commenter l’action et distiller avec ironie les informations faisait penser au Mike Hammer de Mickey SPILLANE :

« It was my first dead body. The private eyes in books fall over corpses every other day, but Manchester’s a long way from Chicago in more ways than one » (89)/C’était mon premier cadavre. Dans les polars, il en tombe à chaque coin de rue, mais Manchester est très loin de Chicago par de nombreux aspects,

la deuxième partie révèle des méthodes d’enquête et d’interrogatoire, notamment, directement inspirées d’Agatha CHRISTIE :

« Before we get down to the serious gossip, though, I have to do the proper detective bit. You know, where were you on the night of, etc. » (134-135)/Avant qu’on s’échange des ragots, je dois jouer au vrai détective. Vous voyez le genre : où étiez-vous dans la nuit du…, etc.

Peut-être parce que la PI (ou Private Investigator) n’a, dans la fiction, d’expérience du crime qu’à travers Agatha CHRISTIE ? :

« I was intrigued. On the face of it, what [Neil Webster] said was plausible. But since my only experience of murder is in the pages of Agatha Christie, that made him number one suspect in my book. I said as much.” (135)/Ca m’intriguait. Ce qu’il disait semblait plausible, mais vu que ma seule expérience du crime provient de ma lecture d’Agatha Christie, cela faisait de lui le suspect N°1 de mon enquête. C’est ce que je lui indiquai.

Les références à la Reine du Crime y sont en tous cas légion et la propriété de la rock star Colcutt Manor se transforme rapidement en huis clos (si elle n’en était pas déjà un), comme le train du « Crime de l’Orient-Express » ou le bateau à vapeur de « Mort sur le Nil » :

  • « Forget the doctrine of the ‘least likely person’ »/Abandonnez la théorie du suspect le moins évident, lui recommande finement le journaliste Neil Webster qu’elle est en train d’interroger (135)
  • Un peu plus loin, en pleine enquête, on la voit se plonger dans un Miss Marple (« Murder at the Vicarage ») pour tenter de s’inspirer (169).
  • Et, elle n’hésite pas à se moquer d’elle-même à travers la bouche d’un autre suspect :

« For God’s sake », Kevin exploded. « This is ridiculous. I never heard of anything so bloody silly. What do you think this is ? Some crappy detective novel ? Showdown in the drawing room. Why the hell can’t you just tell Jett like you’re paid to do ? » (186)/Pour l’amour du ciel, éclata Kevin. C’est ridicule ! Je n’ai jamais rien entendu d’aussi stupide. Mais où vous croyez-vous ? Dans un polar à deux balles ? Une confrontation dans le petit salon ? Pourquoi ne pas le dire simplement à Jett, comme prévu ?

Une enquête très rock’n’roll dans le milieu de la musique, des artistes et de ceux qui les entourent, sangsues en tout genre, du producteur de disque qui veut se refaire une réputation à la petite amie bimbo qui craint de se faire évincer…

Qui de Jett la rock star en perdition, de Kevin Kleinman le manager qui traficote en douce dans le dos de l’artiste, de Gloria Seward l’assistante, Tamar la petite amie, Micky Hampton le producteur, Neil Webster le journaliste chargé d’écrire la biographie de la rock star et négociant ses scoops en douce aux tabloïds, ou encore de Maggie Rossiter, la nouvelle compagne de la chanteuse depuis sa cure de désintox, a tué Moira dans le studio de répét’ avec un saxophone ?

Comme dans Agatha CHRISTIE, chacun des suspects a un secret, chacun a un mobile, et comme dans Agatha CHRISTIE, dans le « salon bleu » choisi pour la révélation, l’enquêtrice règlera son compte à chacun avant de révéler le nom de l’assassin (200-203).

L’écriture de Val McDERMID…

Si l’intrigue est plutôt complexe, la langue utilisée par Val McDERMID est, elle, très directe, voire familière, ne s’embarrassant pas d’une syntaxe ampoulée :

« I can’t imagine there’s much goes on around here that you don’t know about » (126)/Je n’imagine pas que grand’ chose vous échappe de ce qui se passe ici.

Un langage parlé et plein d’humour :

« I strode round to the driver’s door of the Beetle in a towering rage, ready to drag the pillock out on to the street and send him home with his nuts in a paper bag. I mean, driving like that, it had to be a man, didn’t it ? » (15)/Au comble de la fureur, je fis le tour de la Coccinelle, prête à extirper le connard de son siège conducteur et à le renvoyer chez lui, ses couilles à la main dans un joli paquet-cadeau, parce qu’on est d’accord, pour conduire aussi mal, c’était forcément un mec, hein ?

avec des notes féministes :

« Being a woman, I already had problems on my hands » / En tant que femme, j’avais déjà suffisamment de problems. (78)

« Incidentally, it’s one of life’s great mysteries to me how men survive without handbags. Mine’s like a survival kit, with everything from eye pencil to Swiss Army knife via pocket camera and tape recorder.” (33)

voire revendicatrices quand elle évoque la condition des couples gay, p.114) :

« Do you happen to know if she left a will ?” I asked.
Maggie’s mouth twisted into an ironic smile. « Jett tell you to ask that ? Yes, she left a will. We both made wills in favour of each other about two months ago.”
– “Do you mind if I ask you why ?”
-“Because a friend of mine was killed in a car crash and she hadn’t left a will. The house was in her name, and her family kicked her lover out on the street the day before the funeral. Gay couples don’t have any rights. We have to make our own. That’s why we made the wills. At that point, Moira didn’t even think she had anything to leave, » Maggie said bitterly »
(114)

Bref, une écriture très dynamique, avec de courts chapitres de 3-4 pages et beaucoup d’action, qui font toute sa personnalité et l’éloignent tout de même beaucoup de son modèle pour l’intrigue !

Avez-vous lu Val McDERMID et duquel de ses polars – si possible moins influencé par Agatha CHRISTIE – pourriez-vous conseiller la lecture ?

En Savoir plus :

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