>Envie de mettre enfin un visage sur Erlendur, l’enquêteur fétiche d’Arnaldur INDRIDASON ? Ce sera peut-être celui d’Ingvar Eggert SIGURÐSSON, l’acteur choisi par Baltasar KORMAKUR pour son film Jar City, sorti en 2006.
L’adaptation de La Cité des Jarres ne restera sans doute pas dans les annales du cinéma mondial. Très fidèle au livre, le film manque un peu de rythme et souffre de l’intrigue complexe habituelle chez l’écrivain. Pas sûre que les détours de l’enquête soient accessibles à qui regarde le film sans avoir lu le livre ! Pour autant, Baltasar KORMAKUR excelle à rendre l’abjection, la tristesse et le désespoir jusque dans les paysages islandais. C’est le point fort de ce film marquant par les images et que les fans d’Erlendur apprécieront certainement…
Jar City se regarde en islandais sous-titré et c’est un plus !
Jar City : la genèse du mal
Comme souvent chez Arnaldur INDRIDASON, l’enquête présente réveille une affaire non-résolue dans le passé. Plutôt qu’un meurtre « typiquement islandais, bordélique et sans intérêt », l’enquête sur la mort du pervers Holberg se révèle extrêmement complexe. On peut compter sur l’intuition et la persévérance d’Erlendur pour découvrir des ramifications insoupçonnées à ce qui pourrait passer pour un fait divers…
En bref, la découverte du cadavre d’un pervers à Keflavik conduira les enquêteurs à interroger quelques 105 femmes à Grindavik. Et, de là, à identifier le lien mystérieux entre les maladies d’Audur et de Kola, deux fillettes décédées à quelques décennies d’intervalle. Une disparition non résolue sera accessoirement résolue.
Le propos du film comme du livre est celui de la génétique et du danger des bases de données à caractère personnel. Il est illustré à l’écran par l’interview du Directeur du Centre pour le Génome (comprendre la société deCODE Genetics). D’un côté, le chercheur souligne l’intérêt de ces données pour « soigner et guérir ». De l’autre, Örn (Einar dans le livre), employé du Centre et papa meurtri, obtient facilement l’identité de celui dont il veut se venger.
Une tristesse infinie…
Malgré quelques tentatives d’humour pour détendre l’atmosphère, l’ambiance du film est généralement lugubre, au mieux violente.
Bande-son de chœurs funèbres et images presque en noir et blanc, Jar City donne le ton ! Le film ouvre sur la mort de Kola, une petite fille de 5 ans à peine, d’une tumeur au cerveau. Puis embraye sur la découverte du meurtre d’un pervers à son domicile, le crâne fracassé par un cendrier. Une nouvelle affaire nauséabonde pour le commissaire Erlendur Sveinsson et son équipe composée d’Elinborg et Sigurdur Oli. Et surtout il y a cette odeur immonde qui monte de l’appartement en sous-sol de Holberg…
Le film Jar City, comme le roman d’INDRIDASON, n’hésite pas à explorer toutes les nuances du noir :
- > les couples qui se défont à la mort d’un enfant,
- > l’exhumation du tout petit cercueil d’Audur, dans le cimetière de Hvalsnes, tout ça pour découvrir que son cerveau manque,
- > la pédopornographie,
- > le viol et le refus de dépôt de plainte aux femmes victimes (« C’était une pute ! »)
- > la corruption des flics,
- > le thème de la culpabilité qui se transmet à travers les générations,
- > la question de l’identité (« Je suis LUI », « Qui êtes-vous si vous n’êtes pas vous-mêmes ? »)
Le film en rajoute encore, faisant de la mère d’Örn une débauchée qui trompait son père marin…
Un monde violent
La violence physique est aussi très présente dans Jar City. Ainsi Erlendur et Sigurdur Oli se rendent à la prison haute sécurité de Litla-Hraun pour interroger la brute Ellidi. A l’isolement – et ça le rend fou ! -, il était en liberté au moment du crime et connaissait Holberg… La caméra s’attarde sur l’image du monstre pleurant derrière le judas de sa cellule. Mais n’est-ce pas ce que Jar City nous montre ? Des êtres seuls, au bout du bout du monde, isolés dans leurs maisons de tôle battues par le vent ? Enfermés dans leur douleur ?
Le moins brutal et répugnant n’est d’ailleurs pas Erlendur, qu’il s’adresse à ses collègues ou s’attaque à une tête de mouton bouillie. Comme ses ancêtres proches ou lointains, Erlendur énuclée, gobe, disloque, mord et arrache la chair grise avec les dents… Assurez-vous avant de l’imiter d’habiter seul au dernier étage d’un immeuble daté en Islande ou… fermez les yeux ! Ce n’est pas beau à voir…
Le retour d’Eva Lind
Il faut dire que cette enquête sur les liens de filiation est particulièrement difficile pour Erlendur. En effet, il retrouve sa fille Eva Lind droguée, larguée et enceinte et décide de l’accueillir chez lui. Ce sera pour lui l’occasion d’exprimer sa détresse de père :
« Je ne voulais pas me fâcher avec toi, mais quand je vois comment tu vis, la manière dont tu gâches ta vie et que je vois ce tout petit cercueil sortir de terre, alors plus rien n’a de sens. » (dialogue du film de Baltasar KORMAKUR)
et les difficultés de son métier d’enquêteur criminel :
« Tu as l’impression que tu peux mettre une armure et te défendre de tout ça, regarder l’ordure autour avec de la distance, comme si ça n’avait rien à voir avec toi. Mais toute cette répulsion te hante comme un mauvais esprit. A la fin, tu finis même par oublier comment les gens normaux vivent. » (dialogue du film de Baltasar KORMAKUR)
Les séquences courtes de Jar City montrent une équipe de flics qui connaît son métier et sait se partager les tâches. L’enquête avance rapidement, sans temps mort, même si elle peut paraître embrouillée.
J’ai beaucoup apprécié découvrir les paysages rugueux de l’Islande, les intérieurs traditionnels ou contemporains selon les générations.
Vous l’imaginiez comme ça, vous, le commissaire Erlendur, avec son gilet de laine traditionnel sous sa veste et ses yeux de chat ? Aimez-vous découvrir les adaptations cinéma ou séries de vos polars préférés ?
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