J’adorais Les Experts: Manhattan pour leurs interrogatoires à la chorégraphie minutieuse, menés dans des décors sombres et minimalistes… Or, c’est à ce moment particulier de l’enquête que s’intéresse la série NETFLIX Criminal. 24 heures pour obtenir des aveux, c’est le pari. C’est entre ces 4 murs et nulle part ailleurs.
La série NETFLIX Criminal est une coproduction européenne. 4 pays se sont prêtés au jeu en réalisant d’abord une première saison de 3 épisodes. Un an après la sortie de la saison 1 fin 2019, le Royaume-Uni a déjà livré sa saison 2 comptant 4 épisodes. Et si enfiler 16 épisodes de ce huis-clos tendu est loin d’être une sinécure, l’expérience réserve néanmoins de belles surprises. Quels sont les meilleures histoires, les meilleurs numéros d’acteurs, en bref, les épisodes à ne pas rater ? Comment chaque pays tire-t-il son épingle du jeu ? Découvrez-les en lisant ce nouvel article du blog polar…
Série Netflix Criminal: Europe, une contrainte artistique forte
Cette série d’anthologie a été créée par les Anglais George KAY et Jim Field SMITH, qui en sont les showrunners. Cependant, chaque pays écrit et dirige ses propres histoires, choisit et met en avant ses propres acteurs.
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Un décor minimaliste
Les épisodes de la série NETFLIX Criminal sont tournés dans leur langue d’origine dans un décor unique à Madrid :
- La salle d’audition où s’affrontent 1 ou 2 interrogateurs et 1 suspect, accompagné ou non de son avocat,
- La salle d’observation qui accueille le reste de l’équipe derrière une glace sans tain : renfort d’interrogateurs, observateurs, mais aussi enquêteurs chargés de vérifier en temps réel les infos données par le suspect…
- Le couloir sombre avec, au bout, la machine à café, l’escalier, l’ascenseur et une baie vitrée donnant sur l’extérieur…
Et c’est tout !
Dans la série NETFLIX Criminal UK, – les tout premiers épisodes à avoir été tournés -, le D.I. Paul Ottager explique au gardé à vue la disposition des caméras :
« Celle-là, c’est la caméra principale. Ma fille dirait qu’elle sert à filmer en mode selfie. Et celle-là… C’est celle-là qui va vous trahir. [Les jurés] vont se souvenir de cet homme-là… » (UK/1×1/Edgar)
Un bouton rouge sonore inséré dans la table côté flics permet de lancer l’enregistrement de l’audition (flippant !). Les micros sont tendus pour recueillir les paroles du suspect. Face à la vitre de séparation, un écran commandé depuis la salle d’observation permet de projeter des documents en grand.
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Cadrages, angles, axes : une leçon de filmage
Loin du champ-contrechamp-chiant qu’on est en droit d’attendre d’une telle configuration, les mouvements de caméra se réinventent. On aura par conséquent :
- d’interminables plans serrés, de face, sur des suspects qui se refusent à parler,
- des gros plans sur les visages, guettant le tic, la larme,
- de grands angles dans le but d’augmenter le sentiment claustrophobique créé par les lieux,
- et aussi des vues plongeantes sur le suspect pour désigner un coupable – ou au contraire une victime innocente, comme dans Hitchcock ou Broadchurch ?
- etc.
La caméra s’amuse parfois à traverser le miroir (UK/1×1/Edgar) ou encore joue avec les reflets, réinventant la photo de groupe de série télévisée, taclant la question de l’identité, de la culpabilité, de la pulsion criminelle.
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Cette « petite danse » de l’interrogatoire*
De même, chaque pays a sa propre manière d’occuper les lieux dans la série NETFLIX Criminal :
- Amatrice de dalmatiens et d’amants de concours, Isabel installe soigneusement ses petites affaires sur son coin de table. Mais suffiront-elles à faire rempart face aux questions des flics ? Lors d’une pause dans l’interrogatoire, on la retrouvera debout à l’angle de la table : prête à basculer ? (Espagne/1×1/Isabel)
- Dans l’épisode suivant, Carmen au comble du désespoir après ses aveux, s’écroule sur le sol. L’Inspecteur Chef María de Los Ángeles la rejoint, la prend dans ses bras et la console (Spain/1×2/Carmen),…
- Dans la série NETFLIX Criminal: UK, le criminel britannique Sandeep est introduit dans la pièce avant les interrogateurs. Il commence par s’asseoir de leur côté de la table, dos à la vitre : « Eh ben, moi je la sens bien, cette audition ! », commente le D.I. Tony Myerscough, depuis la salle d’observation (UK, 2×4).
- Faisant le lien entreYilmaz, suspect de violences conjugales, et le riche père de la victime, l’avocat Marquardt se singularise. Il choisit quant à lui de s’installer en arbitre, sur le petit côté de la table (Allemagne/1×2) :
« Pourquoi la disposition des sièges n’arrangerait-elle que vous ? », rétorque l’avocat sûr de lui (Allemagne/1×2/Yilmaz).
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La glace sans tain
Le dispositif de la glace sans tain a inspiré les différents scénaristes de la série NETFLIX Criminal. Entourée d’un ruban led blanc froid côté salle d’audition, rouge côté observation, elle est d’abord un miroir. Claudia, laissée seule un moment, s’y regarde, comme elle contemplerait son passé de complice active d’un violeur et tueur en série (Germany/Claudia).Img009. Mais ce miroir renvoie aux flics autant de révélations sur eux-mêmes qu’aux suspects mis sur le grill. L’Anglaise Stacey – interprétée par Hayley ATWELL, méconnaissable en « cassos » – attaque ainsi frontalement la DCI Natalie Hobbs sur ses vêtements :
« C’est pour qui, ça ? Il y a quelqu’un derrière la glace magique ? »
Plus qu’un simple affrontement flic/suspect, l’épisode Stacey de la série Netflix Criminal: UK met en scène le dialogue de deux femmes de niveau social opposé. Dès lors, la flic utilisera sa propre expérience des relations humaines pour obtenir la vérité (UK/1×2/Stacey).
Inversement, se savoir observé à travers un miroir sans tain est une source supplémentaire de tension pour les suspects. Agressif, Sandeep s’approche de la vitre et aboie un : « Qu’est-ce que vous regardez ? » (UK/2×4/Sandeep).
Face à Jay, un chauffeur de poids lourd récalcitrant, Paul Ottager emploie les grands moyens. Manipulant l’éclairage de la salle d’audition, il fait apparaître les observateurs de l’autre côté de la vitre. Non pas les 3-4 membres habituels de l’équipe, mais un total de 10 policiers. En effet, dans cet épisode de la série Netflix Criminal, l’immigration est partie prenante : la vie de migrants illégaux est en jeu. Le pauvre diable est impressionné… L’enquêteur Hugo Duffy martèle :
« Tout se joue ici et maintenant pour vous » (UK/1×3/Jay).
Un bon résumé de ce qu’est la série Netflix Criminal…
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De l’autre côté du miroir
La salle d’observation, quant à elle, vit au rythme de l’horloge et de l’analyseur audio. On y analyse en temps réel les progrès de l’interrogatoire, le temps qu’il reste et les probabilités d’obtenir un résultat. On réfléchit à changer d’approche, changer de cheval – ou d’interrogateurs ! -, le cas échéant (UK/1×1/Edgar)… On y prend aussi régulièrement des paris (« Coupable ! Innocent ! »), quitte à les modifier quand la balance commence à pencher.
De notre côté de l’écran à nous, spectateurs, on changera plusieurs fois d’avis quant à la culpabilité du suspect (UK/1×1/Edgar et autres). C’est la magie de la série Netflix Criminal ! Au signal sonore, nous voilà propulsés en plein interrogatoire, sans « résumé des épisodes précédents » ni explication… A nous de saisir rapidement ce qui est reproché au suspect, tenter d’apprécier son comportement autant que les preuves opposées.
Ecoute, provoc, silences et abandons progressifs, la dynamique de l’interrogatoire est faite de tout cela.
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Temps limité
Contrainte légale d’une garde à vue, le temps est une pression sensible dans la série Netflix Criminal. Plans de coupe sur l’horloge en salle d’observation et références orales des 2 côtés de la glace se multiplient. Chez le téléspectateur, cette pression se matérialise, en plus, par la barre de lecture en bas de l’écran : premier quart de l’épisode, moitié, dernier quart…
Dans la série Netflix Criminal, les Anglais et les Allemands, surtout, jouent avec cette contrainte :
- Quand l’épisode UK/1×1/Edgar commence, le Dr Fallon est interrogé depuis 23 heures. Il répond « Sans commentaire ! » à toutes les questions… C’est tendu. Il faut attendre les 15 dernières minutes de son audition pour qu’il se mette à parler. Dommage pour lui ! Drôle, pour communiquer des preuves décisives à l’interrogateur sans interrompre l’audition, l’agent Hugo Duffy dérègle violemment la clim. Le vent de la vérité ?
- Dans l’épisode UK/1X3/Jay, l’enjeu-temps est multiple. Des vies sont en jeu. De plus, la compétition entre services joue à plein… Il s’agit d’obtenir la localisation de la remorque contenant potentiellement des migrants avant l’hélico de l’Immigration !
- L’affaire Claudia Hartmann hante la carrière de l’inspecteur-chef Karl Schultz. Ce nouvel interrogatoire d’une toute petite heure arrangé avec le procureur et le directeur de la prison est-il légal ? Schultz et Nadine Keller sont prêts à prendre le risque dans cet épisode tendu de la série Netflix Criminal (Allemagne/1×3/Claudia) !
- Après les soi-disant aveux de son client, l’avocat de Yilmaz accorde à Schultz insatisfait 10 minutes d’interrogatoire supplémentaires. Le temps pour lui d’avaler un Kit-Kat… Les progrès de l’interrogatoire se jugent désormais à l’once de barre chocolatée avalée par l’avocat. Savoureux ! (Germany/1×2/Yilmaz)
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Un formidable terrain de jeu
Les manières de s’approprier et développer la contrainte artistique au départ de la série Netflix Criminal sont diverses et variées. Le talent de chaque pays s’exprime dans d’infimes détails… On parle des reflets dans les yeux de David TENNANT qui révèlent sa faille, dès le début ? Ou de l’image de Chloé, victime collatérale d’une justicière du web, mise en abyme par le miroir sans tain (UK/2×3/Danielle) ?
On le voit, le brief de départ très étroit de la série Netflix Criminal rend réalisateurs et scénaristes ultra créatifs. Encore n’a-t-on parlé, pour l’instant, que de langage visuel, de l’art du filmage…
Pour autant, je ne suis pas d’accord quand les critiques s’extasient sur les soi-disant prestations théâtrales des acteurs. Les gros plans muets, le jeu de reflets, tous les mouvements de caméra, c’est tout sauf du théâtre ! Et sans cette virtuosité, cette inventivité technique, les histoires seraient moins authentiques. Il n’y aurait aucune place pour les performances d’acteurs.
Les meilleurs épisodes de la fiction consacrée aux interrogatoires
Quels sont les épisodes de la série Netflix Criminal à ne pas rater ? C’est certainement la seule chose qui vous intéressait en commençant cet article ! La réponse prend en compte le sujet évoqué, la qualité de l’histoire et le jeu des acteurs.
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Sujets et intrigues
Les sujets sont évidemment actuels et européens : inceste (UK/1×1, Spain/1×2), migrants (UK/1×3), terrorisme islamiste (France/1×1), violences domestiques (Allemagne/1×2) ou policières (Spain/1×3), crimes homophobes (France/1×3), etc. Il y en a aussi de moins glorieux !
Certaines intrigues de la série Netflix Criminal sont cousues de fil blanc depuis le début (Julia/UK/2×1, Danielle/UK/2×3). D’autres surprennent par le nombre de leurs rebondissements (Edgar/UK/1×1, Yilmaz/Germany/1×2).
Qualité commune à tous les épisodes, ils s’ancrent dans des univers particuliers : chantier (Caroline/France/1×2), chauffeurs routiers (Jay/UK/1×3) ou encore le monde ultra viril et compétitif des commerciaux en fenêtres (Jérôme/France/1×3) !
Très axés comédie, – à part Carmen (Spain/1×2) écrit par un scénariste différent -, les épisodes espagnols détonent carrément. Difficile d’accrocher !
C’est au moment où le fait divers se laisse oublier au profit de la manifestation de la vérité que s’intéresse précisément Criminal…
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Les meilleures histoires
Y a-t-il de meilleurs sujets que d’autres lorsqu’on parle d’une anthologie européenne autour des auditions de garde à vue ? Il y en a sans doute de plus courageux et de plus authentiques que d’autres. De plus personnels aussi, liés par exemple à l’histoire du pays.
Ainsi l’épisode Emilie (France/1×1) aurait-il pu marquer un grand coup dans la série Netflix Criminal. Sara GIRAUDEAU y joue en effet le rôle d’une victime des attentats du Bataclan. Parasitée par la mauvaise ambiance au sein de l’équipe après la nomination d’un nouveau chef de groupe, l’audition prend aux tripes et fait réfléchir. Dommage que le personnage de Margot BANCILHON soit si stéréotypé (et mal joué). Dommage aussi que les scénaristes aient cru bon de noircir encore le tableau.
Jochen (Germany/1×1) est l’épisode le plus touchant de la série Netflix Criminal, à mon avis. Le plus authentique et qui sait surprendre jusqu’à la fin. Plus allemand qu’allemand, Jochen Müller est convoqué pour un interrogatoire dont il ignore l’objet. Il a fait fortune dans l’immobilier après la chute du mur en rénovant et revendant des appartements abandonnés à Berlin-Est. Nadine Keller l’interroge sur la disparition d’un certain Jans Krahl qu’on vient de retrouver sous une dalle de béton.
Comme Emilie, l’épisode Jochen de la série Netflix Criminal raconte une histoire de mensonge sans retour en arrière possible. C’est une super histoire et, sans la dévoiler, une histoire qui tient à l’identité profonde de l’Allemagne, à son passé. Curieusement, c’est dans le couloir et non en salle d’audition, avec Schultz plutôt que Keller, que Müller fera ses aveux. Ces deux-là se sont trouvés !
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L’Europe des acteurs
A la fin des fins, on découvre d’incroyables numéros d’acteurs, quand bien même les meilleurs ne sont pas toujours ceux que l’on croyait. Micro-expressions, mutisme obstiné, dialogues ping-pong ou éclats violents, les accusés occupent le terrain. N’oubliez cependant pas de jeter de temps à autre un coup d’œil à leurs avocats. Ils jouent parfois mieux que certains accusés dans la série Netflix Criminal !
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Accusés hostiles
Sous l’œil attentif de la caméra, certains acteurs se montrent particulièrement hirsutes. C’est le cas dans 5 épisodes anglais sur 7 et aussi dans Claudia (Germany/1×3)…
J’ai adoré David TENNANT, égal à lui-même quand, filmé de face en plan serré, il s’obstine : « Pas de commentaire ! » (Edgar/UK/1×1). Et aussi Hayley ATWELL, livrant un témoignage d’une grande vérité, au-delà de la distance sociale. Quelle actrice ! (UK/1×2/Stacey)
Mais la révélation de la série Netflix Criminal est certainement l’acteur marocain Youssef KERKOUR, que je ne connaissais pas (UK/1×3/Jay). Quand il s’installe, sans avocat, seul de son côté de la table, c’est une véritable armoire à glace. Il est accusé d’avoir fait passer des migrants en Angleterre et de les avoir abandonnés en pleine nature. Passé à la moulinette de l’interrogatoire de Hugo Duffy et Paul Ottager, il sera littéralement « retourné ». Un nounours à la guimauve dans un corps de sumo ! On a mal pour lui… Récemment nominé aux BAFTA pour son rôle dans la sitcom Home, KERKOUR a joué dans Dracula, Crazy Joe ou Marcella.
Quand elle expose le fonctionnement d’un couple de serial killers façon Michel FOURNIRET/Monique OLIVIER, l’actrice allemande Nina HOSS nous révèle des abysses. On y croit et on a peur ! (Germany/1×3/Claudia)
Jérémie RENIER dans le rôle de Jérôme (France/1×3) est aussi très convaincant, malgré une gestuelle outrée qui gâche le dénouement.
C’est ça aussi, la série Netflix Criminal : l’Europe des acteurs. Chaque pays met en avant ses propres vedettes. On en découvre forcément de nouveaux et parmi les meilleurs !
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