Fils de Personne, par Jean-François PASQUES…

Couverture du livre Fils de Personne de Jean-François Pasques

L’ancien flic n’en est pas à son premier polar. Et pourtant Fils de personne de Jean-François PASQUES a tout d’une première tentative maladroite. Dans ce roman autour des nés sous X, les détails de procédure les plus authentiques le disputent aux lieux communs et au besoin (lourdingue) de légitimation. Dommage…

Comment 3 disparitions de femmes encore inexpliquées pourraient-elles avoir un lien avec la mort d’un SDF aux Tuileries ? Dans la fiction, bien sûr ! Le fait que l’enquête soit pétrie de références littéraires semble en revanche plus difficilement conciliable avec le cadre strict du polar.

Les flics de la police judiciaire sont-ils des anges, à la fois cultivés, patients, extrêmement humains ? L’auteur s’attache en tous cas à nous le faire croire…

Fils de personne : la procédure policière comme si vous y étiez !

Le principal atout du 9ème livre de Jean-François PASQUES, – car il en a ! -, est le suivant : la précision et l’authenticité de tout ce qui est lié à la procédure policière dans le récit.

Les fans de « procedural », dont je suis !, se régaleront :

  • de mots de jargon jamais lus ailleurs (12, 15, 165, 261, 311, 384…)
  • et d’un formalisme sans faille de la part de la 1ère DPJ, des collègues en uniforme, de la PTS ou des légistes.

Héros de Fils de Personne, le commandant Delestran vous expliquera même sa façon de numéroter et organiser ses dossiers (122). Il partagera avec vous sa rédaction des PV du jour (266) ou la mise en page finale de la procédure (128, 266, 396).

Enfin vous adorerez voir le groupe Delestran se mettre en branle pour aller cueillir leur « objectif » enfin identifié (328-347). Le chapitre se lit comme on regarde la télé :

« La pression était montée d’un cran. Chacun était concentré, avec cette sensation si particulière que tous les flics aiment éprouver : le moment juste avant l’action ». (340)

Né sous X, le mobile improbable, et autres lieux communs

On passe sur le manque de vraisemblance du crime (des crimes) et de son (leur) mobile. Se venger 30 ans après de l’abandon maternel sur d’autres femmes accouchant sous X ? Les séquestrer, et puis après ? Est-ce là le plan d’un « fou épris de vengeance » (381), tel que le décrit l’auteur de Fils de Personne ? Le même, chef en réanimation néonat à Necker (314) « déduit » que son père est mort (379). Le fait qu’il « ne bougeait plus, ne réagissait plus » suffit à le convaincre !

Un légionnaire, une prostituée, une jeune-fille de la haute, enceinte, et un flic un peu trop sentimental (210) : l’équation de départ de Fils de Personne était déjà hasardeuse. Alors, sommes-nous surpris quand l’affaire du meurtre et celle des disparitions se rejoignent par un admirable hasard ? Pas le moins du monde ! Mais on ne s’attend déjà plus à quelque chose d’énorme avec ce roman qui commençait pourtant bien…

Dans Fils de Personne, le chef de groupe a évidemment un passé douloureux (236, 278). Impénétrable (191), il fascine sa gentille adjointe, qu’il considère comme sa fille et son héritière au sein de la brigade.

Jean-François PASQUES essaie bien de lancer un chien – pardon, une psychologue – dans son jeu de quilles (98). Chargée du soutien aux victimes, c’est elle qui met l’équipe sur une nouvelle piste concernant les disparitions (264, 286). Mais une psychologue, avec ce côté à la fois discret et à l’écoute, est-elle un bon personnage de polar ? Quant à moi, j’ai eu du mal à me souvenir de quelle façon elle avait collaboré à l’enquête…

« Peut-être que je m’égare en en faisant un roman, comme on me le reproche parfois », écrit l’auteur p.161.

Peut-être.

L’alibi de la littérature dans Fils de Personne

Dernière chose curieuse, voire suspecte, cette manie de l’auteur de citer les grands noms de la littérature française :

  • Simenon, tout d’abord (57, 110-111, 200, 322)
  • Balzac (36, 38)
  • Camus (367, 374)
  • Stendhal (71, 379-380, 388-389, 392-393),

brandis comme un laissez-passer par l’ancien flic devenu écrivain.

On peut citer une fois Simenon, mais on ne peut pas citer 1000 fois Simenon ! (Voir Note 1)

D’abord, c’est la chambre du mort des Tuileries qu’on trouve remplie d’une « accumulation vertigineuse » de livres (79-83). À l’autre bout, Valentin Mathias, né sous X, et fils biologique du premier (352), vit entouré d’« un mur de livres » (357-358).

« C’était intriguant, cette similitude, comme si les livres avaient établi une filiation entre ces deux inconnus liés par le sang et pourtant séparés dans la vie. » (358)

« Intriguant » n’est pas le mot que j’aurais utilisé. Au mieux : artificiel, inutile…

 

À la fin de Fils de Personne, Jean-François PASQUES utilise les livres pour le morceau de bravoure du polar : la négociation pour la reddition du forcené et la séance de tir démente qui va le désarmer (371-373).

Le personnage né sous X accuse gratuitement la littérature d’être : « une illusion, une escroquerie, […] du mensonge mis en pages » (370). De là, il flingue « la Bovary », Anna Karénine, Rubempré, Javert (371), épuisant par là même ses munitions. Un motif rebattu du western et du policier marque le dénouement de Fils de Personne !

Pour conclure…

On le reconnait bien volontiers, la littérature est ce qui rend son humanité au criminel dans Fils de Personne (389). Mais d’une manière générale, l’usage qu’en fait Jean-François PASQUES tout au long du roman manque de pertinence. Quel est le propos ?

« Que se serait -il passé s’il n’y avait pas eu les livres ? », s’interroge Delestran (398). L’interrogation est à prendre au sens littéral, puisque le criminel a tiré sur des livres au lieu de se suicider ou de le viser lui. Mais oui, que se serait -il passé ? J’avoue, j’aurais été curieuse de découvrir comment l’auteur aurait terminé son livre sans ce recours artificiel à la littérature…

 

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