A Alcatraz, les prisonniers étaient souvent des spécialistes de l’évasion et ils n’avaient qu’une idée : se faire la belle ! Sur 14 tentatives, l’issue de celle de Franck Morris et des frères Anglin en 1962 reste mystérieuse. C’est cette histoire que raconte Don SIEGEL dans l’Évadé d’Alcatraz en 1979.
L’Évadé d’Alcatraz est le cinquième film de Clint EASTWOOD avec le réalisateur (dont Un shérif à New York et L’Inspecteur Harry). Il y joue le rôle de Frank Morris, le cerveau de l’évasion.
Pour un « suspense carcéral », L’Évadé d’Alcatraz est plutôt lent et descriptif, voire poussif. Tourné sur l’île d’Alcatraz alors ouverte aux visites, le film se ressent de ces conditions de tournage difficiles. Même si j’ai été déçue par le film, il permet d’imaginer la vie dans cette prison de haute sécurité. Un complément parfait à la visite des lieux… en touriste !
L’Évadé d’Alcatraz, le film dont Clint EASTWOOD est le héros
C’est un homme nu et transi, dont on fouille les cheveux, les oreilles, la bouche qui débarque à Alcatraz une nuit de janvier 1960.
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Antagonisme superflu
Le directeur de la prison, joué – c’est drôle – par l’ex acteur-scénariste et producteur de la série Le Prisonnier, Patrick McGOOHAN, l’a repéré. Il s’est déjà évadé de plusieurs prisons :
« Depuis que je suis ici, des prisonniers ont tenté de s’évader », aboie le directeur à son intention. La plupart ont été repris, ceux qui ne l’ont pas été se sont fait tuer ou se sont noyés dans la baie. Aucun détenu n’a réussi à s’échapper d’Alcatraz. Et il ne s’en échappera pas. »
Et pourtant, Franck MORRIS s’évade 2 ans ½ après avec deux complices et un plan parfait, sans laisser de trace…
Phare, mirador, projecteur de poursuite, fouille, cellules individuelles sur 3 étages, fermeture centralisée, règlement intérieur drastique, loi du silence… La première erreur du film est sans aucun doute d’ajouter à la dureté du régime d’Alcatraz décrit dans le film, un antagonisme superflu entre Morris et le directeur. Les matons se chargeaient très bien du travail !
L’invention du directeur de prison sadique nuit à la description de la prison de haute sécurité, de son système inhumain. A mettre au crédit de l’acteur Patrick McGOOHAN, cependant, la réaction de son personnage lorsqu’il trouve le chrysanthème sur les rochers. Quel acteur !
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Un point de vue simpliste et réducteur
Dans L’Évadé d’Alcatraz, les prisonniers sont devenus les gentils, les matons et le directeur de la prison les affreux. En plus de 2 ans et sur 200 à 300 prisonniers, le Franck Morris de Don SIEGEL ne se fait qu’un seul ennemi. Encore Wolf n’est-il qu’un fou furieux qui trouve le petit nouveau à son goût et n’apprécie pas son refus de devenir « sa petite amie »… C’est à cause de Wolf que Morris fait l’expérience du terrible block D, l’unité d’isolement et de traitement spécial d’Alcatraz.
Ses « amis » sont plus nombreux :
- Litmus, un vieux de la vieille qui a pour meilleur ami une souris et lui suggérera de s’échapper par les conduits de ventilation
- Doc Dalton le peintre en chambre qui joue un rôle de déclencheur dans le film de SIEGEL
- English, le bibliothécaire noir-américain,
- Charlie Butts, nom donné à Allen West dans L’Évadé d’Alcatraz. West est le quatrième complice de l’évasion de 1962. Retardé, il ne s’évadera finalement pas.
- Et enfin John et Clarence Anglin, les deux frères qui auraient survécu.
Etant donné qu’Alcatraz accueillait à l’époque les pires repris de justice du pays, le film est assez peu vraisemblable. Pire, on se sent un peu frustrés devant ces quelques portraits plutôt sympathiques.
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C’est Morris qui a tout fait !
L’Évadé d’Alcatraz, c’est Franck Morris, alias Clint EASTWOOD, et personne d’autre. Dès son arrivée au pénitencier, on voit qu’il observe tout de ses yeux bleus perçants assortis à son uniforme (très réussi !). Silencieux et impénétrable, il plisse les yeux, très concentré – mais c’est presque un masque chez Clint EASTWOOD ! Il englobe du regard les plans de la prison, les horaires, toute la routine quotidienne qui va lui permettre d’imaginer son plan.
De même, c’est lui qui échafaude le plan de A à Z. Il est mécanicien, électricien, soudeur, un type lui a appris autrefois à construire un radeau, etc. Comme il occupe tout l’écran ou presque, certains personnages secondaires en viennent à être plus fouillés que ses co-évadés. Ainsi les frères Anglin passent-ils relativement inaperçus dans L’Évadé d’Alcatraz, presque sans histoire….
Morris-Eastwood observe tout, mais la caméra n’est pas subjective. Le spectateur aussi est exclu de l’action. La proposition de s’évader et le plan dans tous ses détails nous sont livrés, comme à ses complices, de but en blanc. Nous sommes condamnés à le regarder faire, passivement, et à croiser les doigts quand il rencontre des difficultés.
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Un montage au carré
Ce que l’on peut reprocher le plus à L’Évadé d’Alcatraz est d’être tellement plat, objectif, descriptif en tout. Monté par Clint EASTWOOD lui-même, le film est néanmoins relativement bien construit.
Le début du film nous fait découvrir la routine de la prison. Les rencontres de Morris dans cette partie permettent de nous faire évaluer la difficulté d’une évasion et de faire monter les enjeux :
Morris : « Alors comme ça, personne ne s’est jamais tiré d’ici ? – English : Personne n’a réussi. Ici tout le monde cherche un moyen de se tirer, mais y’en a pas. »
La mise à l’isolement de Morris, exactement au quart du film, retarde l’action de L’Évadé d’Alcatraz. Un peu plus tard, « l’incident » de Doc à l’atelier de menuiserie est le déclencheur. English lui présente les frères Anglin et à la moitié du film, l’équipe est constituée et le plan arrêté.
Alors que le rythme s’accélère dans la deuxième partie avec le suivi des préparatifs, de nouveaux obstacles surviennent : fouille préventive de la cellule de Morris, projet du directeur de changer Butts de cellule, etc. Enfin, la menace représentée par le retour de Wolf décide du lancement de l’opération nocturne. Il était temps ! C’est peut-être cela qu’on appelle le suspense après tout !
Définitivement, je ne suis pas suffisamment fan de Clint EASTWOOD et de son jeu sans émotion pour apprécier ce film mineur. Il me semble qu’il y avait bien autre chose à faire avec ce sujet, qu’il s’agisse des personnages ou de l’action…
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L’Évadé d’Alcatraz : un bon point pour la musique !
A part les roulements de tambours du début et de la fin, la B.O. de L’Évadé d’Alcatraz, signée Jerry FIELDING, est remarquable. A la fois discrète, jamais redondante avec l’image, parfaitement incorporée à l’action, j’ai beaucoup aimé !
La prison d’Alcatraz : images de cinéma
L’Évadé d’Alcatraz déçoit par de nombreux aspects, mais en tous cas pas par ses images tournées en décor réel. La reconstitution d’un Alcatraz en exercice est un bon pendant à la visite en touriste de la prison aujourd’hui désaffectée.
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Intérieur prison
Grâce au film, on obtient une vue plongeante sur l’un des couloirs de la prison depuis les galeries supérieures. En effet, les cellules étaient réparties sur 3 étages, de chaque côté de longs couloirs cruellement rebaptisés Broadway ou Times Square…
La séquence du premier appel matinal de 7h00, où tous les prisonniers sortent en uniforme devant leur cellule est impressionnante. Pourtant à aucun moment dans le film on n’assiste à un appel nominal, alors que le règlement de la prison en recense jusqu’à 12 par jour, parfois espacés de seulement 20 mn. Soumis à des rondes incessantes, les prisonniers n’ont aucune intimité dans leur cellule.
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Seul en cellule
Dans L’Évadé d’Alcatraz, on découvre presque mieux qu’en vrai l’exiguité des cellules, leur système de fermeture centralisée. En façade de chaque cellule, une plaque nominative et le numéro de matricule du prisonnier. Celui de Franck Morris est AZ-1441.
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Le block D
Les captures d’écran du séjour de Franck Morris au bloc D ne sont pas extraordinaires, et pour cause ! Les prisonniers y étaient enfermés dans le noir, leur nourriture passée à travers une fente dans la porte. Les détenus envoyés dans l’Unité d’Isolement et de Traitement Spécial passaient 5 jours maximum « au trou », parfois plus.
Dans L’Évadé d’Alcatraz, une séquence montre Franck Morris arrosé à la lance à incendie dans sa cellule du bloc D. « Le Directeur n’aime pas les bagarreurs », hurle le gardien. « Et il n’aime pas non plus les cellules dégueulasses ! » L’expérience du bloc D pousse Franck Morris à passer à l’action.
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Le réfectoire
C’est avec la promenade du week-end, le seul moment où les prisonniers ont le droit de parler. On imagine volontiers que les tables étaient plus nombreuses et l’ambiance plus bruyante que ce qui est donné à voir dans L’Évadé d’Alcatraz. A compter de la moitié du film, Franck Morris s’y assoit avec Butts et les frères Anglin. La cantine devient le lieu de rencontre des 4 comploteurs. Ils y débriefent leur progrès quotidiennement devant leur plateau inox à compartiments.
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Recreation yard
Seul bol d’air dans toute une semaine, la promenade a lieu dans le Recreation Yard, ouvert aux embruns et offrant une vue sur San Francisco depuis les marches qui le bordent.
On y marchait, on y jouait au bridge ou au baseball. Dans L’Évadé d’Alcatraz, « Doc » Dalton y peint sur un chevalet et Morris y soulève des poids, tandis que d’autres s’entraînent à la lutte.
Grâce au film de Don SIEGEL, on appréhende la ségrégation raciale qui sévissait à l’époque. Morris se fait un copain du chef de la communauté noire d’Alcatraz, le bibliothécaire English (joué par Paul BENJAMIN). Ici encore, est-ce vraisemblable ?
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S’occuper : atelier, biblio et musique
Travailler est un privilège à Alcatraz. En son temps, Al Capone confectionnait des uniformes et travaillait à la laverie. Dans L’Évadé d’Alcatraz, Franck Morris aide à la bibliothèque et fabrique des meubles. Le film précise qu’il reçoit 25 cts de l’heure pour ce travail. D’où la réplique du prisonnier : « Y a pas à dire, le crime ça paie ! »
La légende veut que le radeau fabriqué en imperméables utilisé pour l’évasion de 1962 ait été gonflé à l’aide d’un concertina. Dans le film, Franck Morris se procure un accordéon pour cacher la bouche d’aération de sa cellule et les évadés gonflent le radeau… à la bouche !
Outre les séances de cinéma du week-end (le plus souvent des westerns), la musique est un passe-temps prisé par les prisonniers. Les plus habiles parmi les prisonniers se produisent parfois en concert.
Fan de Clint EASTWOOD, avez-vous vu L’Évadé d’Alcatraz ? L’avez-vous aimé ? Avez-vous le réflexe de poursuivre l’expérience d’un livre ou d’un film en vous rendant sur les lieux qui les ont inspiré ?
En Savoir plus :
- Acheter le DVD du film L’Evadé d’Alcatraz de Don SIEGEL en français ou en anglais (Paramount Pictures, 2001)
- Acheter et lire le livre en anglais Escape from Alcatraz de J. CAMPBELL BRUCE qui a inspiré le scénario du film.