D’après « London urban Legends, The Corpse on the Tube & other Stories » de Scott WOOD…
En visite à Londres pour l’exposition « The Crime Museum Uncovered » du Musée de Londres, j’ai évidemment trainé un peu dans la boutique du musée et avisé ce livre sur les légendes urbaines de Londres : « London urban Legends, The Corpse on the Tube & other Stories » de Scott WOOD, sorti fin 2013.
Drôles, effrayantes, carrément dégueu ou bizarres (je traduis !, p.9), les légendes urbaines de Londres et d’ailleurs sont de totales inventions qui se donnent l’apparence d’histoires vraies et comportent toujours… un fond de vérité, note l’auteur du recueil (10). Rapportée par un « foaf » – comprendre « a friend-of-a-friend » ou un ami d’un ami (13) – qui lui-même la tient de source sûre -, ce genre d’histoire acquiert une existence propre au-delà de son auteur et se modifie à mesure qu’elle se répand à travers le monde (11-12). Et pourtant, malgré leur caractère universel, elles s’attachent aux gens et aux lieux, c’est même ce qui fait leur succès (9-10).
Collecter les légendes urbaines de Londres, les démonter, mais aussi tenter de les expliquer parfois (10), c’est le but du livre de Scott WOOD. Et qui mieux qu’un Anglais (de Londres), mi-sérieux, mi-facétieux, pourrait nous conter ces histoires ?
Ces légendes urbaines de Londres pourraient-elles servir de guide pour une visite de la ville ? A vous de décider…
La famille royale au cœur des légendes urbaines de Londres …
A tout seigneur, tout honneur, le livre commence très fort avec deux histoires savoureuses mettant en cause la famille royale.
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Alexander McQUEEN et le costume du Prince Charles
La première émerge à la disparition du couturier Alexander McQUEEN en février 2010. Apprenti chez le tailleur de la Couronne Gieves & Hawkes en 1984 ou 1985, « l’enfant terrible de la mode » aurait brodé un message dans la doublure d’une veste du Prince Charles : « McQueen was here »/McQueen est passé ici à ou peut-être : « I’m a cunt »/Je suis un con (20).
Farouchement démentie par la maison de couture, l’histoire en rappelle néanmoins une autre, selon laquelle l’une des Rolls destinées à la Reine aurait été truffée de magazines pornographiques (21). Après enquête, les faits sont avérés (même s’il s’agit plutôt d’une Jaguar), mais, relativise l’auteur, il s’agit ni plus ni moins d’une tradition dans ce métier.
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Loisirs royaux
Les gens sont curieux et de nombreuses légendes urbaines de Londres tournent autour de la famille royale. On raconte par exemple que la Reine quitterait Buckingham Palace par une porte dérobée pour aller faire du lèche-vitrine du côté de Piccadilly, Bond Street ou Oxford Street (29) et que Lady Di mettait une perruque noire pour aller en boîte (29) !
Au 17ème siècle, la Reine Anne aurait été surnommée Brandy Nan à cause de son faible pour la boisson. C’est ce qui explique que sa statue à l’entrée de St Paul tourne le dos à l’église, louchant du côté du pub de l’autre côté de la rue ! (83-84) Quant à son autre statue sur Queen Ann’s Gate près de St James Park, on raconte qu’elle descend de son piédestal et marche dans la rue chaque 1er août, date anniversaire de la mort de la reine (86).
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Bunkers et passages secrets
Parmi les autres légendes urbaines de Londres liées à la famille royale, celle de l’existence d’une ligne de métro secrète uniquement destinée à évacuer la famille royale en cas d’attaque ou de catastrophe (100). Celle-ci daterait des années 40.
Le centre commercial Elephant & Castle construit dans les années 60 ne peut être qu’une façade… pour un bunker secret réservé au gouvernement (100).
Quant au bâtiment du MI6 (Vauxhall Cross), au sud de la Tamise, vous n’avez AUCUNE idée des transformations dont il est capable de faire pour se défendre face à l’ennemi ! (101)
Méfiants, anxieux ou juste très observateurs…
La méfiance et l’anxiété augmentée par la peur des attentats – de l’IRA dès les années 1970, d’Al Qaïda en 2005… -, mais aussi la simple curiosité et les talents d’observation sont à la source de très nombreuses légendes urbaines de Londres.
L’histoire du cadavre dans le métro qui donne son titre au livre est l’une d’elle. La femme assise en face de vous dans le métro, encadrée de deux types, a-t-elle l’air endormie, saoûle, droguée ? Elle est peut-être morte ou, pire, vient d’être tuée sous vos yeux par ses deux voisins !
N’importe qui dans la rue peut être un assassin ou un terroriste ! Et si vous rendez service à un étranger dans un magasin, il vous remerciera peut-être par cette recommandation sibylline que vous vous hâterez de partager à vos proches : ne vous trouvez pas sur telle ligne du métro tel jour à telle heure ! Même les terroristes peuvent se montrer reconnaissants !…
Quand la parano est à son comble, les légendes urbaines de Londres les plus folles se font jour : des enfants sont enlevés dans les magasins John Lewis (126), des lames de rasoir hérissent les toboggans aquatiques des piscines et des seringues les sièges de cinéma (130).
Persuadé d’avoir emporté ce matin votre montre ou votre portefeuille, vous vous féliciterez sans doute, en les retrouvant ce soir sur la table de l’entrée, de n’avoir pas accusé à tort votre voisin de train ou de métro, ou de vous être battu avec lui ! (144-145)… Et l’auteur de raconter cette histoire digne des meilleures légendes urbaines de Londres : celle où un homme assis à la table d’un buffet de gare voit avec étonnement son voisin – de préférence un Africain, un Pakistanais ou un Indien – piquer sans aucune gêne dans son paquet de gâteaux… avant d’apercevoir son propre paquet inentamé posé sur sa mallette ! (146-147)
A l’inverse – et c’est une autre des légendes urbaines de Londres que l’on partage volontiers ! – quel bonheur quand après toute une journée passée à essayer de se débarrasser proprement d’un chat mort, on finit par vous voler votre paquet dans un magasin. Tel est pris qui croyait prendre ! Cette histoire met en scène une chercheuse du British Museum et comporte de nombreuses variantes, mais bien sûr chacun se reconnaît dans cette revanche inattendue gagnée sur les voleurs… (143-144)
Certaines légendes urbaines de Londres expriment une nette composante sociale. Comme le célèbre gang des « Mohawks » qui s’en prenait aux bonnes gens au 18ème siècle et les torturait gratuitement (132-133), le personnage de Jack Talons-à-Ressort (en anglais, Spring-Heeled Jack), qui sévit au 19ème siècle, est volontiers identifié comme un aristocrate oisif et cruel, qui profitait de l’impunité souvent réservée à son rang. (134-136)
L’hystérie collective autour des meurtres de prostituées à Londres en 1888 a-t-elle conduit à l’invention d’un tueur unique, aristocrate ou médecin, bref à la création du mythe de Jack l’Eventreur ? (137-140)
Mais les légendes urbaines de Londres les plus prégnantes proviennent souvent de simples observations visuelles faites par des gens curieux et imaginatifs, qui formulent leurs découvertes de manière imagée et en facilitent ainsi la propagation sous forme de légendes et mythes urbains :
- En regardant attentivement la statue équestre de Charles 1er sur Trafalgar Square, on s’aperçoit que le sculpteur a omis de représenter la sangle destinée à maintenir la selle. La légende veut que l’artiste s’apercevant de cet oubli se soit pendu de honte (70). Un autre ayant oublié les étriers de sa statue se serait jeté à la Tamise, ce qui expliquerait un emplacement laissé vide sur la célèbre place (71).
- En 1665, la peste ravage Londres, faisant plus de 75.000 morts (jusqu’à 6.000 morts par semaine au pic de l’épidémie !). Plus de trois siècles après, la catastrophe sanitaire est toujours présente dans les légendes urbaines de Londres. Le moindre arrondissement au nom évocateur (Mortlake, Blackheath…), le moindre virage sur une ligne de métro (sur la Bakerloo Line entre St.John’s Wood & Baker Street, par exemple, ou la Picadilly Line entre Knightsbrdige & South Kensignton), le moindre terrain non construit et même « Green Park », un espace vert, mais curieusement sans fleurs, suggère à tout un chacun l’existence d’une fosse commune datant de cette époque (88-94). Mais les « plague pits » de Londres sont précisément cartographiées et faciles à repérer.
- Quant aux formes indécentes que projetteraient les balustrades du pont de Westminster par temps de grand soleil, hoax ou pur coup de malchance ? Je vous laisse débusquer la plus coquine des légendes urbaines de Londres! (41)
Les animaux au cœur des légendes urbaines de Londres …
Corbeaux de la Tour de Londres (sans lesquels la monarchie s’effondrerait purement et simplement) (58-60), invasions de rats (jamais à moins de 50 mètres et non pas 5, soyez rassuré… ou pas !) (148-149), de renards (159-164), de tarentules (chez Marks & Spencer et Lidl !) (155-156), de serpents, léopards ou pumas (échappés de quel cirque ?) (157, 169-172), d’ours (173-175) ou même de loups, les animaux sont tellement présents dans les légendes urbaines de Londres qu’il nous a fallu faire un choix parmi toutes les histoires racontées par Scott Wood dans son livre « London urban Legends, The Corpse on the Tube & other Stories ». Nous nous limiterons donc à trois…
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Les perroquets de Jimi Hendrix
Vous êtes-vous demandé d’où viennent les nombreux perroquets sauvages des parcs de Londres ? Selon les générations, ils se seraient échappés des studios de cinéma d’Istleworth lors du tournage d’« African Queen » de John HUSTON (avec Katharine HEPBURN et Humphrey BOGART), seraient les descendants des perroquets en cage de Jimi Hendrix à Notting Hill ou encore se seraient échappés d’une volière pendant la grande tempête de 1987 (149-153). Leur population s’étant naturalisée à partir de 1969, on parie pour le résultat d’une Jimi Hendrix Experience ?
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Ecureuils mutants ou drogués
En parlant d’expérience psychédélique, avez-vous entendu parler des « squirrats », croisement contre nature d’écureuil et de rat révélé, photo à l’appui, par le tabloïd The Sun à l’été 2007 ? Ça devait arriver… Depuis 2005, les riverains du quartier de Brixton dénoncent l’existence d’écureuils accros au crack après avoir découvert les planques des dealers (153-154)… Souhaitons qu’il ne s’agisse là que de légendes urbaines de Londres !
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Loups ivres
Et les loups ?
Des loups ont été vus et même filmés à trois ou quatre reprises dans les rues de Londres, avant de se retrouver en vedette sur YouTube en 2012 ! De vrais loups, sans aucun doute ! (178-180)
De vrais loups dans une vraie campagne de promotion pour une marque de vodka ! Parfois, c’est ça aussi, les légendes urbaines de Londres : une simple opération de guerilla marketing ! Ça a failli marcher !
Plein d’autres histoires tout aussi intrigantes dans ce petit livre en anglais de seulement 190 pages qui recense les meilleures légendes urbaines de Londres : « London Urban Legends. The Corpse on the Tube and other Stories » de Scott WOOD.
Ce phénomène des mythes urbains vous interpelle ? Connaissiez-vous déjà certaines de ces histoires à propos de Londres ?
En Savoir plus :
- Acheter et lire : « London urban Legends. The Corpse on the Tube and other Stories »
de Scott WOOD en anglais
Génial !!! tu nous apprends plein de choses ! 🙂 un régal à lire, ce billet! ah ces Anglais ! pour la note people, on a vu la tombe d’Alexander McQueen à la pointe de l’île de skye en Ecosse, enterré face à la mer, c’est un endroit magnifique!
Merci, FondantGrignote ! Oui, c’est le genre d’histoires que les Anglais savent inventer ! Je note pour la tombe d’Alexander McQueen, si un jour je passe par là…
Bien ! j’en apprends des choses ! ça doit être marrant de le lire. Petits potins croustillants… vrais ou pas… Quant au bâtiment du MI6, on dirait un Tranformer !!!
Absolument ! J’avais très envie de le lire et si je trouve le bouquin moyennement bien écrit, j’ai beaucoup apprécié le travail de recherche et d’analyse de l’auteur pour expliquer la manière dont ces légendes urbaines ont pu se créer, enfler, et passer de génération en génération. Quant à l’idée de visiter une capitale à partir de ce point de vue, c’est encore plus séduisant ! Merci d’être passé, Syl !